Luc Courchesne

En bref...

Luc Courchesne est reconnu internationalement comme un pionnier de la vidéo interactive et des arts numériques. Formé au Nova Scotia College of Art and Design (Halifax) au début des années soixante-dix, puis au Massachusetts Institute of Technology (Cambridge, MA) au début des années quatre-vingt, il est parmi les premiers à obtenir en 1985 une bourse du Conseil des arts du Canada pour un projet d’art interactif. L’œuvre Portrait no. 1 qui en a résulté fait maintenant partie de la collection du Musée des beaux-arts du Canada. Il a réalisé depuis près d’une trentaine d’installations qui explorent les possibilités et les limites de cette forme de création.

Originaire de St-Léonard d’Aston, au Québec, Luc Courchesne vit et travaille principalement à Montréal depuis le milieu des années 70. Il a également réalisé des projets ailleurs au Canada ainsi qu’aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, en Suisse, au Japon et en Australie et en Nouvelle-Zélande. À ce jour, son travail a été présenté dans le cadre de 83 expositions importantes dans 45 villes de 17 de pays sur quatre continents. À cet égard, il est parmi les artistes des nouveaux médias qui se sont le plus illustrés à l’international.

Il a notamment fait l'objet d'une exposition au Museum of Modern Art de New York en 1994 dans le cadre de la série Projects et a participé à plusieurs événements importants dont la Biennale '95 de Kwangju en Corée à l'invitation de Nam June Paik. Plus récemment, il a été invité à présenter son travail dans le cadre de l’exposition Future Cinema présentée par le ZKM/Karlsruhe en Allemagne et en Finlande; il était également de l’exposition Souffleurs d’imagesprésentée à Lille dans le cadre des célébrations de la Capitale Européenne de la culture 2004. Il compte parmi les artistes présentés dans l’exposition Digital Avant-Garde célébrant, à New York et à Linz, les 25 ans d’Ars Electronica la plus vieille manifestation annuelle d’art électronique.

En 1997, son installation Paysage no. 1 a mérité le Grand Prix de la première Biennale du NTT InterCommunication Center de Tokyo et en 1999 l'Award of distinction dans la catégorie Interactive Art des Prix Ars Electronica à Linz en Autriche. Ses installations font partie notamment des collections du Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa), du Medienmuseum du ZKM (Karlsruhe, Allemagne), du NTT Intercommuncation Center (Tokyo), du Musée de lacommunication (Berne), du Musée d’art contemporain de Montréal et du Centre Canadien de l’Architecture (Montréal).

En parallèle avec son travail de création, Luc Courchesne a toujours été très impliqué dans le milieu de la recherche et de la création en art médiatique à Montréal, au Québec et au Canada. Il a été président de PRIM vidéo de 1987 à 1992 et président le la Compagnie Marie Chouinard de 1987 à 1995. De 1994 à 1996, il était vice-président du Comité organisateur du symposium international ISEA95 à Montréal. Il a été membre du Comité consultatif des arts médiatiques de 1996 à 1999 et est, depuis avril 2004, membre du Comité directeur des technologies de l’information et de la communication de l’organisme Montréal International. Il est, depuis 1996 président de la Société des arts technologiques (SAT), un organisme à but non-lucratif voué à la création, à la diffusion et à la conservation de la culture numérique.

Professeur à l’Ecole de design industriel de l’Université de Montréal depuis 1989, il en assume la direction de l’École depuis juin 2004. Son enseignement porte sur la médiatique et sur les principes de l’art et du design expérienciels.

 

Si Luc Courchesne se démarque par la somme de ses réalisations et son rayonnement international, c’est surtout pour le mérite artistique de sa démarche et pour son influence sur la pratique des arts numériques ici et ailleurs dans le monde qui en font un artiste important de sa génération.

 

Une voix singulière aux frontières de l’art actuel

Luc Courchesne entame ses travaux en art interactif il y a vingt cinq ans alors que, vidéaste inspiré par une génération de cinéastes expérimentaux (Michael Snow, Hollis Frampton, Stan Brackage...), il découvre le couplevidéodisque/ordinateur et son potentiel interactif. Les questions que posent alors ces technologies apparaissent paradigmatiques et c’est avec la plus grande spontanéité qu’avec quelques autres il se lance au début des années quatrevingt dans l’expérimentation des possibilités de la vidéo interactive avec l’espoir de trouver une expression qui lui est personnelle, et le projet d’introduire un

« art nouveau » dans les galeries et les musées de ce monde.

Il est apparu rapidement à Luc Courchesne que les expériences qui se contentaient d’illustrer le potentiel technologique, tout spectaculaire qu’il soit, ne mèneraient à rien; pour transcender le médium, le faire oublier, il fallait, pensait-il, se reconnecter sur les grandes questions identitaires et existentielles qui ont motivé les démarches artistiques depuis toujours. C’est ainsi que Luc Courchesne est devenu portraitiste et que, vidéo interactive en main, il s’intéresse plus particulièrement au processus des rencontres interpersonnelles. De portraits individuels (Portrait no. 1 [1990], Portraits de Claude Jutra [1991], Portrait de Paula Dawson [1994]) il passe aux portraits de groupe (Portrait de famille [1993], Salon des ombres [1996], Passages [1998]). Avec Paysage no. 1 [1997] ses personnages ont pris la clef des champs et l’ont entraîné, avec les visiteurs, hors de la galerie. Dès lors, ses portraits/sujets se sont mis à vivre de téléprésence (Jeu de chaises [1998], Rendez-vous... [1999, 2000, 2004]) et ses paysages habités sont devenus immersifs (Panoscope 360° [2000], Journal panoscopique [2000 - ], The Visitor : Living by Numbers [2001], Sans titre [2002]) (2).

Chacun de ces projets marque une étape dans une démarche qui est apparue a Luc Courchesne, dans le feu de l’action, à la fois comme une tentative d’appropriation du potentiel des technologies à sa portée et aussi comme la recherche de sa propre position de créateur et de sa propre voix. Ce qui saute aux yeux aujourd’hui c’est que, chemin faisant, il participait à l’étape décisive d’une démarche collective de repositionnement du spectateur par rapport à l’œuvr: le cadre de la toile (de la scène, de l’écran, du téléviseur ou du moniteur) devenait un portail qui, dès qu’il s’y est engagé, a transformé le spectateur en visiteur. Dès lors, l’idée de l’œuvre comme la représentation d’une réalité s’est dissoute pour laisser place à l’œuvre comme système expérienciel, dans lequel le visiteur doit trouver sa nouvelle « raison d’être ». Dans les installations de Luc Courchesne, on se sent comme l’Alice de Lewis Caroll qui vient de traverser le miroir.

C’est ainsi que Luc Courchesne participe à sa manière à une véritable révolution du système de l’art et de la représentation dont nous n’avons pas fini de

mesurer l’impact. Sa démarche le place au rang des créateurs-inventeurs qui ouvrent de nouvelles voies et qui balisent des pratiques destinées à prendre une ampleur extraordinaire à mesure que les nouvelles générations de créateurs investissent le champ de l’art numérique.