Marc Audette : Surfaces sensibles

15 Janvier - 26 Février 2005

"Surfaces sensibles" rassemble trois corpus de travail unis par un même thème qui les a fait naître : l'eau. Pourtant les photographies couleur, grand format, présentées dans la première pièce de la galerie, ne représentent ni lac, ni rivière. Hormis la couleur bleue qui domine le tout, aucun indice sur le thème de l'eau n'y figure. Les projecteurs vidéos qui agissent comme dispositifs d'éclairages créent d'étonnants dédoublements d'images. La réverbération produit par ce stratagème plonge notre regard dans un bain de formes aqueuses qui lèchent les murs de la pièce. Dans la salle du fond, le même dispositif éclaire une très grande photographie de couleur rouge. Le déplacement du spectateur dans l'espace, brouille en vagues les réverbérations du mur opposé. La dernière pièce est composée d'œuvres de plus petits formats qui font échos aux deux grandes oeuvres. 

L'artiste précise : 

Je m'intéresse au mode de fabrication de l'image numérique depuis le milieu des années 80. Depuis quelques années mes projets portent sur les prétendus avancements que semble chaque fois nous procurer l'arrivée de nouvelles versions de logiciels de manipulation de ces images. Car dans un monde où innovation technologique est synonyme d'investissement corporatif, je me pose notamment la question suivante : quels sont les critères d'appréciation qui déterminent cette supériorité. 

L'image 

L'image, incluant l'image numérique, est intimement liée aux grands traits de l'activité humaine tout comme la religion, la nationalité, l'appartenance et l'art. Ma prémisse de départ est la suivante : l'image tout comme le langage ne sont pas des véhicules neutres, or, établir les normes esthétiques de l'image numérique, c'est imposer la forme du langage visuel à employer pour représenter des concepts, des idées, des réalités. Que ceux-ci se traduisent sur écran cathodique, papier imprimé, photographie ou encore puisque cela est possible sur canevas. C'est ce lien subtil mais o combien important , entre outil et oeuvre qui anime ma démarche. 

"Surfaces sensibles" aborde tout particulièrement la notion d'idéal de beauté de l'image numérique. Car, pour les grandes corporations comme les Microsoft, Soft Image, Adobes et toutes les autres, cette notion se mesure non seulement en termes de précision d'image " méga-pixel ", mais surtout, par la multiplication de filtres spéciaux ; véritable allégorie de ces nouveaux dogmes de l'image. Parmi ces filtres il y en a un qui porte le nom de "Gaussian Blur": il rend flou les images soumises à son traitement. Mais avant d'être un filtre de logiciel, Gaussien est un modèle mathématique qui produit des nombres aléatoires - nous sommes ici en pleine théorie du chaos -. À la manière d'un filtre gaussien, et avec une touche d'ironie, "surfaces sensibles" brouille les pistes de ces prétendus avancements que nous procurent ces nouvelles versions de logiciels. Audette présente ici un allégorie sur la fabrication de filtres, tel que : le flou gaussien. N'oublions pas ici qu'avec ce filtre nous sommes en plein paradoxe du monde de l'image numérique: celui de modèle de fabrication de l'aléatoire, appliqué aux normes esthétiques de plus en plus précises que tentent d'imposer les grandes corporations. Un flou précis opère... 

La galerie participe à la Nuit Blanche à Montréal. Dans le cadre de l'exposition "Surfaces sensibles" de Marc Audette, le dj Éloi Desjardins offrira un environnement sonore à compter de 22h la nuit du samedi 26 au dimanche 27 février. La galerie sera ouverte spécialement de 18h à 5h du matin.

 

ARTICLES 

Dault, Julia. The National Post, At the Galleries, 1 september, 2005

Redfern, Christine. Mirror, Life and Luck, 1-7 septembre, 2005, p53

Mavrikakis, Nicolas. Voir, Audette et Steinman, 1 septembre, 2005. p68