Meryl McMaster: Ancestral / Second-Self

14 Juillet - 25 Août 2018

Ancestral

Ancestral a commencé en tant qu’expérience, où un projecteur dirigé sur moi-même et sur mon père devenait une façon d’examiner un aspect de mon propre héritage autochtone. J’avais collectionné une variété de portraits photographiques et peints de la fin du 19e siècle, représentant divers hommes et femmes autochtones. Ces portraits étaient des photographies prises par les photographes américains Edward S. Curtis et Will Soule et des œuvres du peintre George Catlin. Ces trois hommes avaient un objectif commun : témoigner au mieux de la vie traditionnelle des Autochtones américains des quatre coins de l’Amérique, croyant que les peuples indigènes étaient en voie de disparition et que leur mode de vie devait illico être enregistré ou l’occasion serait perdue. Ils ont dirigé leurs sujets et manipulé les images pour mettre en scène des us et coutumes du passé. Leurs idées étaient répandues parmi le grand public, laissant croire que les peuples autochtones disparaissaient et que ces images étaient tout ce qu’il en restait. En fait, mes ancêtres étaient bien vivants, et pas seulement de la façon dont ces images les représentaient.

Nous nous sommes habitués à la manière inexacte ou erronée dont la culture représente les gens, tout particulièrement dans les films, et souvent au moyen de stéréotypes douteux. Ces représentations dénaturées constituent une sorte de confinement corporel subtil. Ceci m’a amenée à m’interroger sur les raisons qui sous-tendent cette façon de représenter les gens, et à réfléchir aux moyens par lesquels nous pourrions affranchir les sujets de ces types de représentations.

J’ai scanné les images et me suis servie d’un projecteur numérique pour projeter ces portraits sur mon corps et sur celui de mon père. J’ai recouvert nos visages et nos torses de peinture blanche, afin qu’ils agissent comme un écran, permettant aux portraits d’apparaître plus visiblement à la surface de nos corps. Ce processus de jouer avec la lumière et la projection à la surface des corps insuffle une qualité surréelle et spectrale aux images, rendant visibles des aspects des sujets passés et présents..

En m’appropriant ces images, je souhaite les mettre à distance des stéréotypes d’idéalisation et de classification. Historiquement, la photographie était utilisée pour saisir l’altérité – pour figer des cultures et des personnes afin qu’on puisse les fixer du regard. Je veux récupérer l’identité de mes ancêtres, les libérer de ces stéréotypes et brouiller les idées associées au corps autochtone dans la tradition photographique occidentale. Aussi, je sens qu’en extrayant mes ancêtres d’images historiques, le temps s’affaisse, et ils marchent à travers moi pour franchir le présent.

-MM

Second-Self

Mon intérêt pour les complexités de l’identité m’ont conduite à développer un projet explorant l’identité d’autrui. Second-Self revisite l’art du portrait en mariant le dessin et la sculpture, afin d’évoquer un monde habituellement invisible à l’œil nu. Les idées thématiques de l’identité et du masquage sont étroitement liées au concept de « personnage ». Nous nous inventons des personnages – ou des masques sociaux – avec nos vêtements, nos coiffures et nos postures, par exemple, et ceux-ci finissent par définir l’individu public, tout en dissimulant la véritable personne.

J’ai commencé à explorer l’usage de masques sociaux en demandant à des amis non formés en dessin de réaliser des autoportraits contour à l’aveugle. Avec leurs traits de visage reconfigurés de manières étranges, révélatrices de la conception de soi ou trahissant les distorsions de l’autoperception, je sentais que ce processus permettrait de se rapprocher d’une représentation du soi véritable. À l’aide de fil métallique, j’ai créé des sculptures qui sont des représentations exactes de ces dessins. Je les ai ensuite suspendues devant les visages de mes sujets.

Les sculptures deviennent des masques – ou des personnalités – qui dissimulent et modifient subtilement les identités apparentes des sujets. J’ai également peint leurs visages en blanc pour représenter ce masque social (ou personnalité) protecteur que nous portons, réel ou métaphorique. Les sculptures sont humoristiques et déconcertantes, avec leur regard fixe et leur visage blanc; leur apparence « anormale » peut sembler provocatrice et conflictuelle, tout en étant gaie et enjouée.

Durant ce processus, j’ai senti que je puisais dans la tradition formelle du portrait, tout particulièrement parce que je travaillais avec une partie familière, mais politique du corps –– la tête. La tête est une incarnation de notre autoperception et de la façon dont nous désirons être perçu par les autres. C’est une partie du corps qui est souvent incomprise, mésinterprétée et représentée à tort.

Expérimentant avec des représentations étranges et artificielles du corps, Second-Self m’a aidée à développer une compréhension plus profonde de l’identité, tout en m’offrant l’occasion de commenter les défis associés à une représentation exacte de l’identité au moyen du portrait. 

-MM

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Meryl McMasterest une artiste canadienne basée à Ottawa. Son travail est principalement axée sur la photographie, incorporant la production d'accessoires, de vêtements sculpturaux et de performance formant une synergie qui transporte le spectateur hors de l'ordinaire et dans un espace de contemplation et d'introspection.

McMaster est récipiendaire du Prix de la photographie nouvelle génération Scotiabank 2018, du Prix REVEAL Indigenous Art, du Prix Charles Pachter pour les artistes émergents, du Prix Canon Canada, de la Bourse Eiteljorg Contemporary Art, de la Médaille OCAD U et a été nominée au Prix Sobey Art en 2016.

Ces oeuvres ont été acquises par diverses collections publiques au Canada et aux États-Unis, notamment par le Musée canadien de l'histoire, le Musée des beaux-arts de l'Ontario, la Banque d'œuvres d'art du Conseil des Arts, le Musée Eiteljorg, le  National Museum of the American Indian, le Musée des beaux-arts de Montréal, Musée d'art Nelson-Atkins et Affaires autochtones et du Nord Canada..

Son travail a été présenté à travers le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni, notamment au Smithsonian National Museum of the American Indian, au Musée des beaux-arts de l'Ontario, chez Prefix Institute of Contemporary Art, au Musée Eiteljorg, à la Galerie d'art d’Ottawa, the Museum of Contemporary Native Arts, de la McMichael Canadian Art Collection, de la Mendel Art Gallery et de la Art Gallery of Greater Victoria..

Son exposition itinérante solo Confluence organisée par la Galerie d’art de l’Université Carleton est actuellement à The Rooms à St-John's, Terre-Neuve. Son travail sera présenté plus tard cette année à Art Toronto dans un stand de projet solo co-organisé par Stephen Bulger Gallery et Pierre-François Ouellette art contemporain.